Après acquisition du terrain en 1992, le nouveau propriétaire eut tout loisir de l’explorer et d’imaginer ce qu’il pourrait en faire. L’état du jardin faisait penser à l’apocalypse d’un tsunami sur lequel la nature aurait repris ses droits. Sur toute son étendue, une épaisse couche de déchets rendait l’accès aux grottes difficile. Mais la situation n’était pas désespérée car elle aurait pu être pire si l’acquéreur avait été le ferrailleur qui en même temps que l’inventeur des jardins de Magali cherchait à l’acheter. Alors, à l’heure présente, il n’y aurait qu’entassement de carcasses, rangées de portières, enchevêtrement de châssis rouillés et empilement de moteurs désossés. Une véritable œuvre d’art contemporain à la « Arman » que les visiteurs ébahis auraient pu contempler.
Ce fut un peu la vision première que l’acheteur eut en pénétrant dans la « Jungle ». Vestiges d’un temple d’Angkor avalé par une végétation sauvage tellement l’accumulation de détritus était infranchissable. Le monde moderne dans sa version la plus immonde que le propriétaire aurait pu intituler le « Poubellisme », tendance actuelle de l’art contemporain.
Mais rien ne servait de se lamenter, il fallait nettoyer le dépotoir qu’était devenu ce terrain d’autant plus vite que les gens de Lauris continuaient à jeter par dessus la falaise, leurs sacs d’ordures et tout ce dont ils voulaient se débarrasser : cadres de vélos, vieux postes de télévision, gravats en tous genres sans oublier des sacs et portefeuilles volés. Un matin le propriétaire dut appeler la gendarmerie comme il avait retrouvé six sacs à mains vidés de leur argent mais qui avaient encore des papiers d’identité !
A bras le corps, avec l’aide de deux maçons, le nettoyage commença : huit camions furent nécessaires pour évacuer la première couche. On y voyait plus clair. La deuxième tâche fut d’ôter la terre qui s’était effondrée de chez le voisin et consolider le mur mitoyen. Puis d’attaquer un autre monticule de déchets qui s’élevait à plus de huit mètres par lequel les jeunes accédaient au terrain pour boire ou se droguer.
Ce fut la première révélation : en creusant furent découvertes les ruines de la vieille maison mentionnée sur le cadastre de 1565 dans le quartier des Carrelets. Murs abattus, voûtes écroulées, portes et fenêtres enfoncées, tout n’était que tas de pierres. Minutieusement, elles furent recueillies et entassées dans un coin : des dizaines de mètres cubes qui serviraient à dessiner un nouveau jardin. Une grande partie de ces pierres furent utilisées pour construire le grand mur d’inspiration inca à l'entrée des jardins.
Cette trouvaille nous encouragea à chercher dans le sol des vestiges de la ferme qui avait dû être à cet endroit.
Et ce fut la découverte du four : après avoir enlevé toutes les pierres et retrouvé le niveau initial du terrain – quelque trente camions sortis- se dessinèrent nettement les fondations de la maison dont une partie était intégrée dans le rocher avec une grotte. C’est le schéma de toutes les maisons côté falaise du bas de l’avenue Philippe de Girard. Les grottes servirent d’abris sous la préhistoire puis les entrées furent bouchées par des parois et les habitations devinrent troglodytes. Au début du Moyen Age se construisirent, devant les cavités, des maisons à trois niveaux. Les grottes des « Jardins de Magali » ne furent pourtant jamais utilisées comme habitations mais comme remises, ateliers ou granges.
En balayant une plateforme rocheuse, nettoyée lors des fouilles, apparut comme une encoche dans le rocher. De la main, à l’aide d’un morceau de bois, le propriétaire gratta et s’aperçut que l’entaille avait une forme arrondie, indication que l’homme avait creusé. Très vite, le haut fut dégagé : un cercle parfait se distinguait comblé par des détritus de toutes sortes. En plusieurs jours de travail acharné, au marteau-piqueur et au burin, la cavité fut vidée et le four apparut dans toute sa splendeur. L’ouverture était murée. Elle fut percée et le propriétaire se retrouva au niveau du sol, un mètre cinquante donc au-dessus du sol au moment où le four avait été taillé dans le rocher. De la marge pour fouiller ce qui fut fait sur tout le terrain pour descendre jusqu’au rocher, certainement le niveau original du temps des Romains ou des hommes préhistoriques. L’avenue Philippe de Girard à la hauteur des Jardins de Magali a été rehaussée de près de six mètres au cours des siècles. Seul le côté falaise a été comblé au fur et à mesure pour suivre l’évolution de la chaussée et ainsi permettre aux véhicules de pénétrer sur le terrain. De l’autre bord, le dénivellement est visible.
Pour arriver au rocher, il fallut creuser le sol de presque six mètres : un dimanche matin en grattant du pied, le propriétaire aperçut l’angle d’un linteau taillé….. à suivre